Après une longue absence (1987)

A 48 ans je venais de prendre les fonctions de chef d’état major d’ALPA, alias l’amiral "Porte-avions" alias commandant"le groupe des porte-avions et l’aviation embarquée".

A cette époque, le Cruze vieillissait mal. Il réservait bien des mauvaises surprises aux pilotes, du genre blocage de commandes de vol, pannes électriques, pannes d’instruments de vol… Le moral n’était pas au beau fixe, la Marine attendait du ministre (J.P.Chevènement, tiens, tiens...) l’autorisation d’arrêter l’avion dont l’entretien en profondeur était déjà suspendu. Il fut jugé bon qu’une autorité et son bras droit reprennent les vols sur cet animal. Ainsi fit Alpa pour l’exemple. Ainsi fis-je… pour le plaisir!

La 12F affectée à la Base Aéronavale de Landivisiau (Finistère Nord) était commandée par le capitaine de frégate B. Autre temps, autres mœurs: j’étais lieutenant de vaisseau dans la même fonction 14 ans plus tôt. Je m’y rendis depuis Toulon. B., que je ne connaissais pas ou peu, devait me connaître par… le cahier de marche de la Flottille et par ce qui se raconte dans les carrés. Il était heureux de me voir, je le compris. A défaut de simulateur de vol, parti en révision générale pour plusieurs mois, il me fit redécouvrir, après 7 ans d’absence, le cockpit de l’avion. Assis sur le siège, mes mains retrouvaient la mémoire tactile de toutes ces commandes, boutons, interrupteurs. Il me suffisait de penser à un ordre, mes mains l’exécutaient toutes seules…

C’est par un bel après-midi d’octobre que je décollai pour une deuxième découverte, en tant qu'équipier de B. (indicatif Lascar bleu leader). Après environ 40 minutes de manœuvres diverses entre 15 000 et 45 000 pieds vint le moment de prendre la formation de poursuite. Est-ce intentionnellement que nous étions à la verticale de la base? Bleu leader partit donc dans le plan oblique d’abord avec la manette des gaz de plus en plus sur l’avant jusqu’à la position "pleins gaz". L’avion allégé était agréable à piloter et je suivais "stable à 50/100m" derrière, décalé pour éviter le souffle. J’entendis alors "Bleu 2, attention… P.C… top !" et je vis la post-combustion du leader s’allumer. La mienne en fit autant et nous partîmes pour 5 minutes de bonheur dans les azurs, à cadence max (6 à 7G). De mon temps ce genre de poursuite était prohibé. Les générations nouvelles avaient fait avancer le "schmillblick" et c’était très bien ainsi.

Le spectacle devait être agréable pour le personnel de la base: un "ancien" dans le sillage d’un "pacha" lancés dans un vol "sportif", cela ne pouvait qu'être bon pour leur moral… car c’était aussi un acte de confiance que ce vol.

Goz Beïda, le 28 juin 2002.

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