Après une si longue attente (1959)


C’était une fin d’après midi d’automne à la pointe extrême de la Bretagne. Le soleil déjà bas sur l’horizon avec cette belle lumière que nous réserve ce pays. J’étais élève à l’Ecole Navale depuis quelques semaines, étiqueté "fana aéro", autant dire un rien galeux, et j’allais recevoir mon baptême de l’air sur Stampe SV4C moteur Renault, biplan, deux places en tandem. A 19 ans et 10 mois je touchais au but. Seize années de rêveries, de collections de photos d’avions, de lectures, d’avions contemplés dans le ciel. Assis en place avant, un casque en cuir et des grosses lunettes que l’on appelait des "gogoles" et puis le pilote derrière…

- Contact ?
- Contact !
- Moteur ?
- Moteur !

La musique de ce moteur emplissait mes oreilles. En cahotant et en zigzaguant, l’avion s’avançait vers la piste en herbe. Aligné face à l’ouest, le moteur gronda, l’hélice s’emballa, bientôt l’avion se tint sur ses deux roues principales et soudain… plus de cahots, la terre qui s’abaisse, « je »vole, enfin, pour la première fois. Nous montons en virage - la terre bascule - nous voyons la côte de la presqu’île de Crozon.

- Ça vous plaît ?
- Bien sûr que ça me plaît…
- A vous les commandes !

Je prends le manche, le pousse, le tire, le penche. Je crois naïvement que c’est moi tout seul qui manœuvre l’avion… Je comprendrai plus tard que le pilote accompagnait mes mouvements "au pied", c’est à dire au palonnier, pour coordonner l’effet des commandes. Il me savait heureux et me laissa à ma joie. Qui était ce pilote anonyme ? Je ne me souviens plus. Mais il sut accompagner ce moment d’intense bonheur qu’il comprit que je vivais. Merci à lui.

Goz Beïda, le 25 octobre 2001.


5 commentaires:

  1. Handicapé profond du numérique et ancien utilisateur de J 57 sur F 100, je découvre ton blog. Après en avoir communiqué l'adresse à un de mes complices pilote de Cruz et avant de me régaler à poursuivre la lecture, j'espère que ce message et la photo pourront te parvenir.

    "En 1956, nous sommes en classe de première technique quand la nouvelle arrive. Cinq bourses de cinq heures de vol sont distribuées parmi les élèves titulaires du BESA (Brevet Elémentaire des Sports Aériens). Je ne me rappelle plus comment je m’y suis pris, mais j’ai fait partie des cinq heureux élus.
    C’est très ému que, en compagnie de mes quatre camarades et des élèves de prépa qui, eux, ont depuis longtemps la possibilité de voler, je me retrouve sur le terrain d’Eybens, là où a été construit le village olympique pour les jeux d’hiver, en 1968.
    Mon premier vol a lieu sur un Jodel D.112 de l’aéro-club du Dauphiné. Le pilote est, dit la légende, un ancien pilote allemand au nom plutôt polonais et difficile à prononcer. Nous l’appelons « Messerschmitt ». Il n’est pas plus moniteur qu’un pilote normal, mais il aime voler et il aime nous faire voler. Je suis enthousiasmé. Nous survolons Grenoble et les collines qui entourent la ville, il me laisse les commandes pratiquement tout le temps, me montre un décrochage et un virage serré. J’ai un peu serré les fesses et les dents et, quand nous nous sommes posés, j’en étais maintenant certain : je serai pilote."

    Et à la chasse B !

    Denis Turina

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    1. Ami chasseur,
      très heureux de cette rencontre avec un ancien des F 100 (un de mes amis en fut pilote dans les années 64 et plus avant d'être atteint d'un décollement de la rétine...).
      un scoop : ce blog sera publié fin août chez ALTIPRESS sous forme de récit, sous le titre de Pilote de Crusader (titre choisi par l'éditeur), les anecdotes mises dans un ordre
      chronologique, avec des photos et des noms.... et quelques épisodes supplémentaires.
      Bien cordialement.
      Claude Gaucherand
      PS Photo non parvenue....

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    2. Bonjour Claude,
      Merci pour l'info sur la publication du blog par Altipresse. Un beau cadeau pour mon ami.
      Pas trouvé d'adresse plus pratique que ce blog pour faire passer quelques souvenirs et la photo. Pour plus de détails : voir sur "aeromed.fr"
      J'ai connu un Claude sur F 100, modifié pilote de C 135 après décollement de rétine. Civils, nous avons partagé le même bureau chez Aérospatiale dans les années 90.
      Bien cordialement
      Denis Turina EA 62

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    3. Bonjour Denis,
      je découvre aeromed et me suis précipité pour en savoir plus sur le F100 et ton expérience de bel oiseau: deux éjections, rien que ça!
      Il s'agit bien du même Claude M... disparu depuis quelques années maintenant. Nous étions ensemble en "prépa" à Toulon. Il m'avait écrit plus tard pour me dire son enthousiasme de pilote de F100... La boucle se referme!
      Bien cordialement.
      Claude EN 59

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  2. Claude repose au cimetière de Gap, où nous habitons. Je passe le saluer de temps en temps.
    Nous nous sommes peut-être croisés à Salon, où j'ai cotoyé Jean Wild en escadron ?
    Aurais-tu une adresse sur laquelle il serait plus facile de faire passer des photos et autres textes ?
    Exp : une éjection en Espagne sur Mystère IV et un peu de vol à voile en Mirage III dans les nuages, et des photos. Un catapultage de SUEM sur le Foch, pour un tir d'As 30 laser.
    Bien cordialement
    Denis

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